mardi 7 mars 2017

Ma petite entreprise…

Ma petite entreprise…

Savons-nous reconnaître une limite, quand celle-ci est dépassée ?
Savons-nous dire avec toute la fermeté requise : l’enjeu n’est pas là. L’enjeu, ce n’est pas toi, Monsieur, ni une énième échéance électorale. L’enjeu, ce sont les siècles et les siècles, les leçons que notre mémoire collective laisse au bord de la route. Certainement, parce qu’il vaut mieux savoir qu’apprendre. Certainement aussi, parce qu’on ne trouve pas refuge dans ce que l’on a jamais été.
Une mise en examen à seul dessein d’assassiner politiquement un homme ? Et puis la rue prise en otage, pour défendre un homme mis en examen ? On nous parle d’assassinat. C’est bien de cela dont il s’agit : mettre un terme de façon non naturelle et volontaire à l’existence de quelqu’un, ou peut-être de quelque chose, voire même d’une idée.  
On respire. On réfléchit. On se souvient.
On se souvient des grandes affaires qui ont entaché la cinquième République depuis les années 70, depuis les impôts de Chaban-Delmas (72) aux diamants de Bokassa offerts à D’Estaing (79), en passant par Papon (81), Touvier (89), Bérégovoy (93), Tiberi et Juppé (95). On n’oublie pas l’hydre nationaliste que Mitterrand a contribué à créer pour se faire élire en 81, le sang contaminé de Fabius, qui terminera donc sa carrière, pied de nez suprême, à la présidence du Conseil Institutionnel.
On se remémore les emplois fictifs de Chirac à la mairie de Paris, les cents affaires du  Sarkozysme et de sa clique Guéant, Hortefeux et consort, dans la réalisation d’un quinquennat en forme d'insulte à l'intelligence, ce que d’autres décriront plus tard comme l’accomplissement sans défaillir des sept péchés capitaux (colère, envie, avarice, gourmandise, paresse, luxure et orgueil).
Pour finir enfin, jamais rassasiés, on se rappelle la trahison originelle de Hollande, qui a foulé au pied le projet qui a fait de lui le plus mauvais Président de ce régime, de son incompétence quasi mystique à sa collusion journalistique, dans le trépas du mensonge de Cahuzac à l’Assemblée Nationale, l’épineuse couronne venue orner le plus haut des sommets, celui de la tête à toto.  
Le seul assassinat que Monsieur Fillon peut aujourd'hui revendiquer, c'est celui de la parole donnée, celle qui ne veut plus rien dire à force d'être bafouée. Il faut donc reconnaître à cet assassinat-là son caractère primordialement collectif. Il se revendique non pas d’un homme, mais d’une caste. Il vient affirmer avec plus de force encore que le sujet reste et demeure le même qu’il y a trois siècles. C’est une lutte des classes, une lutte à mort, entre les dominants et les dominés, ce peuple qu’on tente si malhabilement d’asservir.
Vous savez tout comme moi qu’il existe certainement et malheureusement des dizaines de dossiers plus graves, plus sérieux, plus incriminants, que celui qui ont conduit les juges de la République à mettre en examen Monsieur Fillon. Nous ne parlons que des petits dessous de Pénélope. Mais savoir reconnaître aujourd'hui son illégitimité serait le moins pire de tous les maux, quand l'ambition personnelle dépasse l’intérêt collectif et devient le substrat du parjure, l’alibi d’un populisme désespéré des plus abjects.
Ouvrons les yeux.
Croyez-vous encore que ces gens se battront pour vous ?
Lisons le programme en quinze points de Monsieur Fillon, celui qui supprime l'impôt sur la fortune avant de supprimer la misère, celui qui interdit que les mœurs et les sociétés évoluent, sans ne même inscrire un semblant de stratégie environnementale dans son pseudo plan de relance, celui qui demande aux gens de travailler plus longtemps encore, comme le moyen le plus efficace qu’ils ne touchent jamais une retraite à taux plein, en d’autres termes, d'en finir une bonne fois pour toutes avec notre système par répartition, la solidarité intergénérationnelle, l’un des fondements de notre modèle social.
Les assassins, Monsieur Fillon, ne sont pas les juges, ni les institutions. Mais bien ceux qui leur marchent dessus, sur l'hôtel de leur propre renoncement aux valeurs républicaines qu'ils sont censés défendre, défendre plus que tout et, si nécessaire, jusqu'à en crever la bouche ouverte.
Tous ceux qui font mine aujourd'hui de croire que tout ceci est normal et justifiable, le bureau LR qui vote pour votre maintien à l'unanimité, sont dans l'erreur centrale d'un système qu'ils condamnent pour de bon, aujourd'hui, demain ou un peu plus tard.
Ne cédons pas aux extrémismes. Ne cédons pas au populisme de bas étage, sous toutes les formes qu’il est capable de revêtir, en tentant de nous faire croire à une réalité presque binaire, les bons et les méchants, quand elle n'est que d'une extrême complexité.
Je vais le dire tel que je le pense : au regard de ce qui nous est servi, nous sommes mûrs pour le soulèvement.
Monsieur Fillon enfin, je terminerai par une courte citation, qui semble, vous me l’accorderez peut-être, assez bien convenir aux entreprises que vous menez avant tant d’aveuglement :

« Car l’oppression peut faire qu’un sage agisse comme un fou. »

L’Ecclésiaste 7:7